Le cornet à bouquin


Cornets à bouquin, Paris, Musée de la Musique

Dés la fin du Moyen-Age, on le connaît sous deux formes : le cornet à bouquin et le cornet muet. Ils sont antinomiques à tous points de vue. Le premier est noir (sauf s’il est en ivoire), courbe, à « bouquin » (embouchure), fait de deux planches de bois gougées, collées et recouvertes de cuir La section est en général octogonale, mais peut être ronde. Il a en général un son brillant. Il sera l’instrument virtuose « concurrent » du violon de 1580 à 1630 en Italie. Il sera aussi mêlé aux bombardes, chalémies et trombones pour la musique de plein air car le son peut être puissant.

William Dongois

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Le second est fait en général de bois clair, droit, tourné dans une seule pièce, sans « bouquin », donc sans « bouche », et à ce titre appelé « cornet muet ». C’est la partie initiale de l’instrument qui est aménagée en forme d’embouchure. Le son est plus doux, large et feutré. Il est peu mentionné dans le répertoire mais prés d’un quart des cornets conservés sont muets.

Aux deux usages mentionnés plus haut il faut ajouter qu’il fut pendant trois siècles associé au trombone, à doubler et remplacer les voix principalement lors des offices religieux et ce partout en Europe, alors que son usage comme instrument virtuose est plus lié à Italie du Nord et plus tard aux pays germaniques. Il a disparu peu à peu au cours du XVIIIè.siècle. Son déclin sera plus tardif dans les pays germaniques : Buxtehude, Bach l’utiliseront encore dans quelques cantates. Après « l’Orfeo » de Gluck, on perd sa trace dans les grandes œuvres du répertoire.

C’est en Italie, qu’il connaîtra son âge d’or avec G.Gabrieli et Monteverdi, qui auront la chance d’être servis par des cornettistes aussi exceptionnels que G.Bassano et G.Dalla Casa.

Description plus complète :

Il est connu aujourd’hui sous la forme qu’il a prise pendant la deuxième moitié du 15.ième siècle : A savoir, deux planches de bois (fruitiers en général), dans chacune desquelles une demie perce conique est creusée au moyen d’une gouge, lesquelles sont assemblées puis collées. La forme extérieure est ensuite réalisée : section ronde, mais plus généralement octogonale, épousant la courbe(certains instruments étaient droits) et la conicité de la perce. L’instrument est alors recouvert de cuir ou de parchemin teinté en noir. Il existe des instruments en ivoire courbes et d’un seul tenant, dont nous ne connaissons pas le mode de fabrication : percés peut-être au moyen d’un tour et d’un flexible au bout duquel était fixé un outil ou un abrasif au diamètre voulu (1)

Bien qu’en bois, l’instrument aujourd’hui est communément classé dans les cuivres à cause :

  • du mode de production sonore (le son est le produit de la vibration des lèvres dans une embouchure, comme les autres instruments de cette famille)
  • de son association avec les sacqueboutes (le trombone renaissance et baroque)
  • du fait que certaines partitions à partir de la fin du 17.ième siècle mentionnent «  cornet ou trompette »

Au 19.ième siècle certains instruments ont eu une perce recouverte de cuivre.

Il y a deux familles de cornets :

  • Les cornets à bouquin 
  •  Les cornets muets

Les cornets à bouquin existent dans plusieurs tailles 

- le soprano (le plus usuel : comme son nom l’indique, il correspond à la tessiture de voix soprano, même si son étendue, celle de la trompette moderne, va au-delà du soprano masculin de la renaissance). 

  • le sopranino (une quarte au-dessus, le répertoire est plus tardif et essentiellement germanique, de1650 à 1750) ;
  • l’alto (un ton au-dessous du soprano, instrument destiné à la musique d’ensemble) ;
  • les ténors (une quarte ou quinte au-dessous du soprano, instrument d’ensemble.): 
  • la basse (une octave au dessous du soprano, très peu usité).

Le serpent est quelques fois considéré comme la basse de cornet, mais il obéit à d’autres lois acoustiques malgré des analogies de facture, de plus son usage est plus tardif (18ème et 19ème siècles)

 Les cornets muets : ceux-ci sont dépourvus d’embouchures, de «  bouche- bocca-bouquin…. », donc « muets », toujours droits et de bois plutôt clairs. Ils existent dans les tailles de sopranino (rares), soprano ,mais plutôt alto.

             Origine et usage historique :

L’instrument vient sans nul doute de la corne animale que l’on retrouve tant dans le nom que dans la forme. En Suède, un instrument traditionnel consiste en une corne, percée et munie de trous (3 ou 4) avec lequel on joue des mélodies très simples. (Certaines notes et effets vocaux de glissements sont obtenus en bouchant plus ou moins le «  pavillon »  avec la main ).On peut imaginer qu’il en a été de même au moyen âge.

Suite à une évolution, l’instrument prend donc la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. A partir de 1500 il est fait mention de «  virtuoses » de cet instrument. François premier ramène des cornettistes de ses campagnes italiennes.

Dans toute l’Europe, peu à peu se développe l’usage du cornet de la manière suivante :

  • Associé aux « hautbois », bombardes, cholémies et trombones (quelques fois simplement avec ces derniers), l’instrument sert à jouer la musique de cérémonies civiles (mais aussi religieuses) et la musique de danse.
  •  Il sert à doubler et à remplacer les voix dans la musique religieuse
  •   Il est associé aux « bas instruments » (flûtes, instruments à cordes)pour la musique de chambre
  •  A partir de la fin du 16.ième siècle et pour une période de 100 ans environ il sera en Italie puis dans les pays germaniques le « rival » du violon pour l’exécution de la musique instrumentale virtuose(sonates, sinfonies et canzones)

L’âge d’or du cornet se situe à Venise entre 1580 et 1630, mais aussi en Autriche et en Allemagne, entre 1600 et 1700.

Chaque paroisse importante, chapelle princière ou cour se devait d’avoir un ensemble d’instruments, comportant de bons cornettistes.

C’est pour l’ensemble du duc de Mantoue que Monteverdi écrit un recueil de musique de Vêpres (édité en 1610) et « l’Orfeo » où les cornets se voient chargés d’une responsabilité musicale à la hauteur de la faveur dont ils jouissaient.

Les plus célèbres cornettistes sont sans nul doute Giovanni Bassano et Girolamo Dalla Casa qui furent tour à tour responsables de l’ensemble instrumental de la basilique saint Marc à Venise quand Andrea puis Giovanni Gabrieli furent maîtres de chapelle.

Chacun d’entre eux laissa à la postérité une trace de leur art sous la forme d’une méthode de diminution, à savoir d’ornementation et d’improvisation, comprenant exercices et exemples musicaux. La pratique de la musique à la renaissance était encore constituée d’improvisations sur le répertoire « standard » : motets, chansons et madrigaux de compositeurs en vogue. Certaines compositions  firent ainsi le tour de l’Europe, jouées, ré-improvisées, ré-écrites pour toutes sortes d’instruments et d’ensembles.

Cette pratique disparaît peu à peu au 17ème siècle.

En France et en Italie le déclin du cornet se fait à partir de1630, mais seulement à partir de 1700 dans les pays nordiques. H. Schuetz, G. Rosenmueller, D. Buxtehude écriront de belles pages virtuoses pour cet instrument. Plus d’une dizaine de cantates de Bach mentionnent l’usage du cornet.

L’instrument tombera complètement en désuétude à partir de 1750 et disparaîtra, remplacé par le violon pour la virtuosité, par le hautbois pour la musique d’église et de chambre et par la trompette pour la musique de cérémonies.

Le renouveau du cornet est très récent et lié au développement de la pratique de la musique ancienne sur instruments d’époque. De plus en plus de musiciens professionnels, généralement trompettistes ou flûtistes à bec s’adonnent de nouveau à l’étude de cet instrument exigeant et se spécialisent alors dans ce répertoire encore mal connu du grand public.

Pour finir laissons la parole à Marin Mersenne, qui dans son «  harmonie universelle » (Paris,1636) écrit au sujet du cornet : «  Qant à la propriété du son qu’il rend, il est semblable à l’éclat d’un rayon de soleil, qui paroist dans l’ombre ou dans les ténèbres, lors qu’on l’entend parmy les voix dans les Eglises Cathédrales, ou dans les Chapelles. »

(1) M. Yves Bischoff, horloger-bijoutier qui a eu l'occasion de travailler l'ivoire quand c'était encore permis, nons communique cette intéressante information sur la manière de creuser l'ivoire :

Il est facile de creuser l'ivoire en "décollant" une couche après l'autre à l'aide d'un ciseau fin et bien affûté ; on le pèle de l'intérieur...
Quand je dis facile, j'entends qu'il n'y a pas d'effort ou de technologie hasardeuse à mettre en oeuvre, juste l'oeil et la concentration...
On arrive à faire des surfaces quasiment polies, tant qu'on ne fait pas d'accroc.

Vous pouvez aussi consulter sur Wikipédia l'article "Cornet à bouquin"

Vous trouverez également un article plus complet dans la version anglaise de Wikipedia, à "cornett".

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